Monsieur,
Le 14 novembre, votre émission « Radio Brunet » qui selon votre site « s'adresse aux 66 millions de Français passionnés par les débats de société : la politique, l'économie du pays ou les questions du quotidien mobilisent ces irréductibles. Qu'ils soient énervés, anticonformistes, voire transgressifs, tous interagissent avec Éric Brunet. « Radio Brunet », c'est le match des opinions avec auditeurs, hommes politiques, experts, représentants d'association, syndicalistes … tous égaux ! » était consacrée au thème suivant :
« Fonctionnaires territoriaux, 39 jours d'arrêts de travail par an contre 17 dans le privé, c'est insupportable pour le contribuable ! ».
En tant que Président de la Fédération Autonome de la Fonction Publique (FA-FP), organisation syndicale représentative siégeant au Conseil commun de la Fonction publique et au Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale, j'ai proposé ma participation à votre équipe au travers du numéro d'appel 3612.
Après quelques minutes d'attente facturées 45 centimes d'Euros par minute plus le prix d'un appel, j'ai indiqué aux deux personnes qui m'ont demandé des précisions sur les raisons de mon appel que je présidais une organisation syndicale et que je me proposais d'apporter une contribution objective et contradictoire à vos débats, dans un souci de dialogue démocratique.
C'est donc dans ce contexte que j'ai été rappelé par votre standard.
Mon intervention ayant débuté à 29 minutes et 30 secondes après le début de votre émission, j'ai été coupé à deux reprises en plein argumentaire et n'ai pu de ce fait exprimer les éléments objectifs sur lesquels la FA-FP fonde son analyse. 4 minutes après mes premiers propos, je me suis retrouvé hors antenne, ce qui me conduit à penser que nous ne partageons sans doute pas la même notion du terme égalité évoqué dans l'accroche de votre site « … c'est le match des opinions avec auditeurs, hommes politiques, experts, représentants d'association, syndicalistes … tous égaux ! ».
Aussi, je vous prie de bien vouloir trouver ci-dessous les points sur lesquels nous aurions souhaité débattre lors de cette émission :
La FA-FP considère que les missions de service public et celles relevant du secteur marchand sont complémentaires et nous nous refusons de nous inscrire dans toute démarche visant à opposer ces deux secteurs d'activité, comme cela a été fait à de nombreuses reprises par votre intervenant du groupe de réflexion libéral présent sur le plateau.
Un arrêt de travail est systématiquement prescrit après avis médical, les agentes et les agents public.que.s tout comme les salarié.e.s du secteur privé n'ont pas la capacité de s'auto-prescrire un arrêt de travail.
Parmi les 1,9 millions de personnes qui assurent leurs missions au sein de la Fonction publique territoriale (FPT), 43 % sont âgées de plus de 50 ans, 75,1 % exercent des missions en catégorie C, et sauf à de rares exceptions, elles ne bénéficient d'aucune prise en compte effective des facteurs de pénibilité.
Le nombre moyen de jours d'absence pour raison de santé dans le versant territorial est de 24,2 jours dont 13,4 jours pour maladie ordinaire, 7,4 pour longue maladie, 2,5 pour accident de travail ou de trajet et 0,9 pour maladie professionnelle.
Les employeurs publics n'ont pas obligation de contribuer à la protection sociale complémentaires des agentes et agents public.que.s.
S'agissant des points qui ont été évoqués au cours de votre émission, j'aurais souhaité vous préciser que la durée annuelle effective du travail dans la Fonction publique territoriale est de 1600 heures en vous rappelant que le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la FPT permet aux organes délibérants de minorer le temps de travail en cas de travail de nuit, le dimanche, en horaires décalés, de travail en équipe, de modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles et dangereux.
Pour mémoire, 27,7 % des agentes et agents de la FPT travaillent le dimanche, 11,3 % la nuit.
Pour ce qui concerne l'application du jour de carence, la FA-FP conteste ce qu'a pu évoquer l'intervenant d'une autre organisation syndicale au début de votre émission, laissant entendre que les personnes malades souhaiteraient compenser la perte du jour de carence en obtenant un arrêt de travail plus long.
À l'inverse, la FA-FP relève que l'augmentation de la durée des arrêts de travail pour maladie est liée au fait que les agentes et agents public.que.s refusant un premier arrêt de travail afin d'éviter la perte d'une journée de salaire -pour mémoire, la rémunération des 10 % d'agentes et d'agents de la FPT ayant les plus faibles niveaux de rémunération (1er décile) est de 1373 €- retournent consulter leur médecin alors que leur état de santé s'est finalement aggravé.
Dès lors, la prescription d'arrêt de travail, compte tenu de l'aggravation de l'état de santé de la personne concernée, est supérieure à celle envisagée initialement.
Voilà pourquoi la FA-FP maintient que la mise en place du jour de carence est injuste, inutile et inefficace et représente à nos yeux une totale aberration en matière de santé publique.
Enfin, la FA-FP regrette de n'avoir pu apporter la contradiction à l'analyste du groupe de réflexion libéral présent sur votre plateau et qui vantait l'efficacité du secteur marchand, notamment dans le domaine de la santé, en lui rappelant tout d'abord que le service public de santé accueille sans aucune distinction toute personne nécessitant des soins, quelles que soient sa situation économique et la complexité de ses pathologies.
Pour ce qui concerne la prise en compte de la dépendance, la FA-FP conseille à ce même expert de visionner le documentaire diffusé le 20 septembre dernier sur une chaine de télévision de service public (France 2) au sujet de la gestion privatisée des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Ce documentaire confirme la position de la FA-FP qui vise à sortir de cette logique absurde selon laquelle les valeurs portées par le service public et ses 5,6 millions d'agentes et d'agents appartiennent au passé et que seuls le profit et la rentabilité doivent guider nos choix pour l'avenir de la Fonction publique.
Comme vous le constatez, la FA-FP ne s'inscrit pas dans une logique de polémique mais entend défendre les valeurs humanistes et de cohésion sociale portées par le service public et les règles de déontologie qui s'imposent à l'ensemble des agentes et agents public.que.s.
Tous les chiffres évoqués dans cette lettre ouverte sont tirés de l'édition 2018 du rapport annuel sur l'état de la Fonction publique, mais la FA-FP craint que vous ne considériez les auteurs de ce rapport comme étant juges et parties, dans le prolongement de ce qui fut évoqué à 16 minutes après le début de votre émission, le représentant du groupe de réflexion libéral invité ce jour-là ne pouvant, lui, être soupçonné d'un quelconque parti pris !
En conclusion, la FA-FP répondra à toute nouvelle sollicitation de votre rédaction pour défendre l'idée selon laquelle le service public est au service de chaque usagère et chaque usager selon le principe de liberté, d'égalité et de fraternité cher à notre démocratie.
Recevez, Monsieur, mes salutations les plus sincères.
Bruno COLLIGNON
Président de la FA-FP
Le lien permettant de réécouter l'émission
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